
Les derniers mots de Thelonius le Scribe : Partie II



Ceci est une traduction réalisée par la communauté. Un grand merci à Elatorulian !
L'Âge des Anciens - Meirothea (~350 à ~500)
Lorsque nous avons émergé des échos mourants du Paradis, nous n'étions guère plus que des vagabonds, muets et sans direction, trébuchant dans un monde d'une merveille effrayante. Les eaux s'étaient retirées, tout comme notre innocence. Là où, autrefois, seul l'été régnait, le monde avait changé. Le soleil ne s'attardait plus éternellement dans le ciel. La nuit était venue, et dans l'accomplissement du temps, l'hiver. Non pas comme une punition, mais comme le reflet de notre perte.
Pourtant, nous avons découvert que l'hiver est porteur de grâce.
C'est alors que les Divins, dans leur miséricorde, envoyèrent Meirothea, un second Rédempteur. Chérubin à la voix fluide et à la forme lumineuse, elle est descendue et nous a appris à supporter le froid, le silence et la nuit. Elle nous a donné le langage pour que nous puissions nommer ce que nous craignions. Elle nous a donné le chant, pour nous souvenir de ce que nous aimions. Et elle nous a donné des symboles pour préserver ce que nous avions appris. De ses dons est née la mémoire.
Avant son arrivée, nous ne possédions ni la parole, ni les histoires, ni la capacité de transformer la pensée en héritage. Grâce à ses dons, nous avons franchi le seuil de la survie à la culture. Et le monde lui-même sembla répondre. Les forêts résonnaient de chants, les rivières murmuraient des vers, et l'on dit qu'en sa présence, des lianes poussaient, s'enroulant vers sa voix comme des fleurs vers la lumière du soleil.
Les oiseaux, eux aussi, venaient en son temps, ou revenaient. Certains disent qu'ils ne sont pas nés ici, mais qu'ils ont glissé des anciens mondes du Paradis et des Fays, attirés par le son de la voix de Meirothea. Ils tournaient au-dessus d'elle et nichaient près de ses clairières, rappelant le chœur divin qui n'avait plus le droit de marcher sur la terre. Leurs chants, dans son ombre, sont devenus sacrés.
Ses sanctuaires n'étaient pas de pierre, mais de terre et de clair de lune, de cascades, de clairières crépusculaires et de grottes, où, près du feu, les reflets dansaient sur des rythmes anciens.
Mais comme toujours, la lumière dessine l'ombre.
Moloch, né de la Colère et façonné par la fureur divine, surgit des profondeurs sauvages pour s'opposer à elle. Ses bêtes déchirèrent ce qu'elle nourrissait. Une guerre commença, invisible pour la plupart des gens, mais ressentie dans les frissons du vent et les grognements dans l'obscurité. Mais Meirothea ne se battait pas seule. À ses côtés se tenaient nos ancêtres, les premiers à manier la magie par la danse et la voix. Et à leurs côtés marchaient des êtres plus anciens encore, étranges, lumineux, à demi-souvenirs. Nous les appellerons plus tard les Fay.
Les loups, eux aussi, abandonnèrent la nature et furent attirés par elle. Sous son regard, ils hurlaient non pas de rage, mais de respect. Ils devinrent ses alliés silencieux, non pas des serviteurs, mais des esprits de compréhension et de force.
Pour nous guider dans les ténèbres, Meirothea a placé la Lune dans le ciel. Les légendes racontent qu'elle a arraché une plaque argentée aux montagnes de Gallia, l'élevant dans les cieux non seulement comme une lanterne, mais aussi comme un miroir, pour refléter ce qui doit être vu. Sous sa lumière, les bêtes de la Colère ont été démasquées. Et depuis, ceux qui sont tordus par la fureur ne peuvent plus se cacher sous sa lueur.
L'hiver revient chaque année, mais sous Meirothea, il prend tout son sens. Il devint une saison de réflexion, un temps pour se souvenir et se préparer, et non pour se lamenter. La mort n'était plus un vide. Elle devint un passage, et la mémoire sa lumière.
Mais tous ne cherchaient pas à se souvenir.
Lucifer et Léviathan, esprits de l'Orgueil et de l'Envie, agissaient en secret. Ils ne cherchèrent pas à détruire Meirothea, mais à la transformer. Ce qui s'est passé fait l'objet de débats, même parmi les sages. Certains disent que l'Orgueil l'a presque tentée d'abandonner sa voie. D'autres disent que l'Envie a frappé en premier pour empêcher une défection. Ce qui est certain, c'est que tous deux furent rejetés dans l'abîme et que Meirothea, blessée dans son esprit, retourna dans les cieux.
Elle ne laissa derrière elle ni temple, ni couronne, ni empire.
Elle laissa la Lune. Elle a laissé des histoires et des chansons. Et c'est à travers eux que nous nous souvenons d'elle.
Près de chaque feu d'hiver, dans chaque chant sacré, sa présence persiste. La lune veille toujours. Et sous sa lueur, nous ne sommes pas hantés par les ténèbres, mais nous nous souvenons de celle qui, la première, nous a appris à les traverser.
—Thelonius le Scribe
L'Âge des Anciens - Demira (876 à ~1050)
Au cours des siècles qui suivirent le départ de Meirothea, l'humanité ne retomba pas dans le silence. Ses précieux dons perdurèrent.
Par la parole, nous avons nommé les rivières et les cieux. Avec des chants, nous nous sommes souvenus. Et avec des symboles, nous avons commencé à marquer le temps et les événements. Notre peuple errait toujours, mais plus comme des bêtes. Nous avons apprivoisé la nature par de petits moyens. Nous avons appris à pister, à cueillir, à chasser avec intention plutôt qu'avec désespoir. Les premiers sages sont apparus, ceux qui parlaient au vent et au feu. Dans les grottes et sur les pierres, nous avons gravé nos pensées, peint nos histoires. Les premiers druides ont éclairé les clairières et les premiers chamans ont écouté les étoiles.
Pourtant, le savoir seul ne pouvait nourrir les affamés et la mémoire ne pouvait réchauffer un enfant.
C'est pourquoi le Divin, dans son infinie miséricorde, nous a envoyé Demira, le Troisième Rédempteur.
Là où Meirothea avait donné une voix à l'âme, Demira a donné de la force au corps et de la douceur à la main. Elle n'est pas venue avec de l'éclat ou du spectacle, mais avec des semences, des outils et des soins. Elle a marché parmi les humbles et les fatigués, vêtue de vert, son bâton à la main et des épis de blé taillés dans sa chevelure.
Demira a apporté trois grands cadeaux à l'humanité : l'agriculture, les soins et l'artisanat. Elle nous a appris à cultiver la terre, à planter et à récolter, à soigner les bêtes non pas pour les dominer mais pour les accompagner. Mais son plus grand don était le soin lui-même, une vertu qui se répandait dans chaque acte de soin, de guérison et d'éducation, qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un sol, d'un agneau ou d'une personne âgée. Sous sa direction, nous avons appris à construire des maisons, à élever des troupeaux et à créer les premières véritables communautés.
Son souffle a apporté le Printemps, et ses larmes, les premières pluies d'Automne. Car avant elle, il n'y avait que l'Été, un soleil sans fin, sans repos ni renouvellement, et l'Hiver, un temps de silence et de sommeil. Demira acheva le cycle, donnant au monde le printemps pour la naissance et l'automne pour la récolte et la réflexion. Les saisons devinrent les rayons de la roue du temps, et la vie commença à tourner.
Mais comme toujours, le péché suit la semence.
Avec la récolte vint l'abondance, et de l'abondance, l'indulgence. L'artisanat a engendré la richesse et, avec elle, l'envie et l'accaparement. Les communautés ont engendré des rumeurs et des soupçons à l'égard de leurs voisins, car lorsqu'un homme prospère, un autre cherche à prouver qu'il n'en est pas digne. C'est ainsi que la paix qu'elle entretenait commença à se fissurer. Les péchés de Gourmandise, d'Avarice et de Colère refirent surface. Leurs princes, Zeb, Mammon et Moloch, revinrent avec des armées de corruption, enveloppées de faim et de feu.
Demira, prévoyant la tempête, s'allia à nouveau aux Fay et créa les anciennes stèles, des monolithes ancrés dans les Lignes de Ley de la Création. Dotées d'inscriptions sacrées et d'une résonance divine, elles abritaient les fidèles et se dressaient comme des phares contre les ténèbres qui s'emparaient d'eux.
Mais la marée du péché ne faiblissait pas.
Le Divin, dans sa douleur et sa fureur, décida de nettoyer le monde par un déluge, mais Demira, dans son chagrin et par amour, plaida pour les innocents. Le Divin lui proposa un choix : pour sauver l'humanité, elle devait tout sacrifier.
Et c'est ce qu'elle fit.
Demira ne façonna pas une arche en bois, mais un sanctuaire spirituel tissé à partir de son être même. Avec ses Bergers, elle rechercha les personnes méritantes. Alors que les eaux montaient et que le monde se noyait, elle tint bon. Et lorsque le déluge atteignit son paroxysme, elle se sacrifia, maudissant Zeb, Mammon et Moloch en leur infligeant des tourments éternels. Ils auraient faim et ne seraient jamais rassasiés, ils désireraient et ne seraient jamais comblés, ils seraient enragés et ne seraient jamais calmés.
À partir de ce jour, ils portèrent un éclat de son esprit comme un fer brûlant dans l'âme. Là où ils se réjouissaient de leurs péchés, ils ne trouvaient plus que la souffrance.
Son corps, intact, flottait au-dessus de l'Axis Mundi et se dissolvait en gouttelettes de grâce, tombant sur ce qui restait de l'arbre de Protennoia. Son essence s'écoula dans les Lignes de Ley , tissant un grand réseau de vie, de mémoire et de pouvoir. La Pax Dei, fragile mais durable, naquit de ses racines.
Aujourd'hui encore, lorsque les pluies d'automne tombent, froides et soudaines, les anciens disent que c'est Demira qui pleure, non pas pour ceux qu'elle a sauvés, mais pour ceux qu'elle n'a pas pu sauver.
—Thelonius le Scribe
L'Ère Elyséen (~1050 à ~1930)
Le déluge est passé et les eaux se sont retirées. Le sacrifice de Demira résonnait encore dans les Lignes de Ley , et les survivants, bercés par son esprit, marchaient à nouveau dans le monde.
Mais aucun conseil Divin n'est venu les guider.
Pendant près d'un millier d'années, nous sommes restés seuls, sans anges, sans voix venant des cieux. Les Divins observaient en silence. Les fées se sont retirées dans leurs bosquets cachés. C'est ainsi que s'ouvrit l'ère de l'homme.
Avec le temps, les survivants s'étendirent et se multiplièrent. Ils traversèrent des rivières et escaladèrent des crêtes, construisirent en pierre, cultivèrent la terre et se souvinrent. Quatre grandes civilisations virent le jour, chacune touchée par les dons des Rédempteurs, mais façonnée par la volonté des mortels.
À l'ouest, Atlantis s'éleva comme un rêve dont on se souvient. Construites sur de vieux souvenirs et une magie plus ancienne, ses cités brillaient par leurs tours en filigrane, leurs rues en miroir et leurs archives en cristal vivant. Là, les sages prétendaient lire le destin dans les reflets et le temps dans les sons. Ils perfectionnaient l'artifice et l'alchimie. On dit qu'ils ont un jour forgé une réplique du soleil sous la mer.
Au nord, les hauts plateaux de Thule ont engendré des gens durs. Des tribus qui racontaient les hurlements des loups et se souvenaient des chants de guerre des Premiers Sauvages. Ils se liaient par des serments ancestraux, sculptaient des pierres avec du sang et des os, et tissaient de la sorcellerie dans leurs chants. Leurs chefs ne gouvernaient pas par la couronne, mais par les épreuves, et leurs chamans parlaient aux esprits qui perduraient depuis l'époque de Meirothea. Dans leur défi, il y avait de la force. Dans leur unité, la sagesse.
À l'est s'élevait Hélios, un royaume de lumière et de droit. Sept cités d'or, chacune dirigée par un conseil de rois philosophes, brillaient sous d'imposantes pyramides de pierre de soleil. Leur savoir rivalisait avec celui de l'Atlantide, mais leur orgueil était plus profond. Les prêtres d'Hélios se croyaient les gardiens de la mémoire divine. Ils pliaient la lumière à leur volonté et prétendaient que leurs ombres étaient propres.
Mais c'est Carpathia qui brillait le plus faussement.
Située au cœur de l'ancien monde, Carpathia était un royaume de jardins et de miroirs, de marbre et d'encens. Ses dirigeants parlaient de paix et de beauté, mais derrière les voiles se tenait un Prince de l'enfer, couvert de gloire et de charme. Il parlait d'unité, de pureté, d'ascension. Il construisit un trône qui touchait les étoiles, et les hommes le suivirent volontiers.
Chacun des Quatre portait en lui la grandeur. Et chacun, un défaut.
Atlantis, dans sa soif de préserver le savoir, oublia l'humilité. Thule, dans sa vénération de la force, a semé les graines de représailles sans fin. Helios, dans son culte de l'ordre, a chassé la compassion. Carpathia, dans son désir de perfection, a donné une couronne à l'orgueil.
Les péchés sont revenus, non pas sous forme de monstres, mais sous forme de politiques. Sous forme d'architecture. Sous forme de rituels.
Et plus ces civilisations creusaient leurs racines, plus elles ouvraient des fissures dans les portes du monde. Des ruines oubliées se sont réveillées. De vieux os se sont réveillés. Et l'enfer, qui ne se contentait plus de murmurer, recommença à respirer.
Le monde se prépara à la calamité.
Et elle vint.
—Thelonius le Scribe Credits, paintings: The Age of the Ancients – Meirothea - Mucha, Winter, 1896 The Age of the Ancients – Demira - Mucha, Spring, 1896 The Elysium Age - Thomas Cole, The Course of Empire, Destruction, 1836